Voilà des années que j’avais un compte facebook personnel. Au départ créé afin de rester en contact avec quelques personnes, je me suis rapidement retrouvé avec plein d’amis. J’ai alors opéré un premier tri il y a quelques années et ai viré près de la moitié des gens. Des gens que je connaissais de loin et avec qui, finalement, je n’avais pas grand’chose à partager. Notez que je n’ai jamais accepté d’être ami avec quelqu’un que je ne connaissais pas dans la vraie vie. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre par quel mécanisme certains acceptent cela…
Et puis là, dernièrement, j’ai fermé mon compte.
Farewell my fair-weather friends.
Alors, est-ce la constante progression vicieuse des conditions d’utilisation, la lassitude de voir mes amis poster des photos de citations ineptes, la consternation devant les commentaires d’amis d’amis, je ne saurais bien le dire.
Toujours est-il que je ne voulais plus y venir et que laisser mon compte en l’état n’était pas une option réaliste.
J’ai donc entrepris d’effacer tout ce que j’avais fait. Et par effacer, je veux bien dire que j’ai utilisé les outils de facebook pour le faire; impossible de dire si cela a vraiment été effacé ou si cela est juste passé en mode invisible. Mais j’ai pris le temps d’effacer le moindre commentaire, le moindre j’aime de ces quelques années passées chez eux. Ça m’a pris des heures et des heures!
Au bout du compte, quel bilan de ces quelques années sur Facebook? Eh bien c’est mitigé.
Tout d’abord, certaines informations ne se trouvent presque plus que sur Facebook. Et là, c’est le drame parce que non seulement cela nous force à créer un compte, mais cela crée une situation de monopole. Et pourtant, on ne peut pas accuser le géant américain, car qui créé ce monopole? Les gens eux-mêmes! Plutôt que de privilégier leurs propres plateformes participatives (forums, etc) les institutions, les entreprises, les médias préfèrent gérer cela sur Facebook. Le gain est naturellement financier: avec cette solution, il n’y a plus à payer pour pouvoir utiliser un outil. Alors, évidemment, les pages sont truffées de publicités choisies par Facebook et c’est eux qui raflent l’argent généré. Mais il faut bien qu’ils vivent, n’est-ce pas?.
En contrepartie, on l’a vu, on a droit aux élucubrations des uns et des autres et notamment aux commentaires. Les commentaires sur les billets Facebook de médias traitant d’actualité sont la pire chose que je n’aie jamais vue sur le net. Veulerie, mauvaise foi, violence verbale, incitation, c’est le café du commerce au cube, la démonstration de l’inculture d’une partie de nos semblables, la preuve que l’abrutissement des masses fonctionne! Patrick Lelay avait parlé de temps de cerveau disponible mais cela présupposait que les récepteurs humains avaient des cerveaux, ce qui n’est manifestement plus le cas de certains. Ces mêmes gens qui refaisaient le monde au café du commerce jusqu’au milieu des années 2000 dans l’intimité de leurs tables le font désormais avec un public potentiel de plusieurs millions de personnes.
Ces commentaires sont écrits, généralement avec une orthographe, une grammaire et une conjugaison déplorables, par des gens que vous ne connaissez pas mais qui sont juste abonnés, sur Facebook, à la même page que vous. Je regrette vraiment qu’on ne puisse pas désactiver la vue des commentaires; ils rendent la visite de la page plus délicate et écornent la confiance qu’on a dans le média. Et les community managers de pacotilles employés par ces médias pour faire la modération, forcément a posteriori, ne sont d’aucun secours, coincés entre le fait de laisser faire et risquer le départ de visiteurs plus posés, ou alors de sévir mais avec le risque de déclencher une réaction encore plus forte, et donc plus gênante, avec dénonciation de la censure, etc, etc.
Et cela nous amène tout naturellement aux nouvelles formes du militantisme. Nous vivons une époque où des gens pensent vraiment que cliquer sur J’aime va influer sur la marche du monde, la pauvreté, voire même sauver des vies. D’autres, plus nombreux, se le font croire à eux-mêmes, par paresse. Ainsi, plutôt que d’aller manifester pour telle ou telle cause, ce qui prend du temps, on rejoint une page sur Facebook.
On arrive alors au climax. Par exemple, un parti anti-capitalisme qui a sa page Officielle sur Facebook . Étonnant, non? Non au final, parce que celui qui n’est pas sur Facebook n’existe pas vraiment de nos jours. Cette société de droit privé américaine a réussi à centraliser la contestation, la réaction, la publication. Ce qui semble plutôt dangereux, à mon humble avis…